La loi de simplification de l’urbanisme peut-elle accélérer la production de logements en Île-de-France ?

Partager

La loi de simplification de l’urbanisme et du logement peut-elle accélérer la mise en œuvre de la stratégie « Transit-Oriented Development» en lien avec le nouveau Schéma Directeur de la Région Île-de-France pour stimuler la production de logements et dynamiser les pôles de gare en Île-de-France ?

Loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement : promesse ou mirage ?

La loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement, fortement attendue, adoptée le 15 octobre 2025 prévoit notamment :

Recours des tiers à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme : réduction du délai de recours gracieux des tiers à un mois (au lieu de 2 mois), suppression de la suspension du délai de recours contentieux, suppression d’invocation de nouveaux motifs de refus après le délai de deux mois à compter de l’enregistrement du recours 

🏗️ Permis de construire modificatif : cristallisation des règles d’urbanisme aux règles applicables à la date du permis initial, pendant un délai de 3 ans (sauf en cas de dispositions visant à préserver la sécurité ou la salubrité publique) ;

🚗 Aires de stationnements : réduction de 30% (au lieu de 15%) en contrepartie de la mise à disposition de véhicules électriques munis d’un dispositif de recharge adapté ou de véhicules propres en autopartage, possibilité d’exempter les logements en Bail Réel Solidaire (BRS) d’obligation de stationnement, possibilité de déroger en toute ou partie aux obligations de création d’aires de stationnement lorsque le projet est situé à moins de 800 mètres (au lieu de 500 mètres) d’une gare ou d’une station Tramway / Métro / transport en site propre ; possibilité pour la collectivité, par délibération motivée, de déroger à l’obligation de création de places de stationnement prévue par les documents d’urbanisme en cas d’opération de réhabilitation en centre-ville ;

🎓 Résidence pour étudiant(e)s : possibilité pour la collectivité, par délibération motivée, de déroger aux règles d’urbanisme pour permettre la réalisation du projet.

❗Le 21 octobre 2025, des députés ont saisi le Conseil constitutionnel, notamment sur certaines dispositions relatives au contentieux de l’urbanisme. Bien que, si la saisine des députés ne conteste que la constitutionnalité de certains articles, le Conseil constitutionnel a la possibilité de se saisir d’office de toutes les autres dispositions de la loi. D’ici la date de décision du Conseil Constitutionnel, au plus tard le 21 novembre 2025,  la promulgation de la loi est suspendue !

💡 Cette loi de simplification traduit une volonté positive visant à accélérer les procédures administratives et soutenir le renouvellement des quartiers de gare en Île-de-France, dans la logique du Transit-Oriented Development. L’assouplissement des obligations de stationnement concerne aussi bien les projets neufs que les opérations de réhabilitation, renforçant une approche centrée sur les pôles de gare et les centres-villes.

Stratégie « TOD » : un modèle durable à développer

La planification urbaine francilienne s’oriente de plus en plus vers le modèle Transit Oriented Development : densifier autour des gares, renforcer la mixité et réduire la dépendance à la voiture.

👉 Un concept d’urbanisme durable

L’architecte américain Peter Calthorpe est à l’origine, début des années 1990, du concept TOD, inspiré d’expériences japonaises, européennes et sud-américaines ainsi que des principes du New Urbanism (mouvement nord-américain pour limiter l’étalement urbain et favoriser la densité, la qualité des espaces et la marche) et du Smart Growth (théories de la gestion de l’urbanisation des années 1960, et du développement durable dès la fin des années 1980).

👉 Principes d’actions : 

  • Développer un aménagement urbain dense et compact dans un rayon de 800 mètres (soit 10 minutes à pied) autour des gares de transports en commun ;
  • Combiner un usage mixte du sol, améliorer la qualité de vie des habitants, renforcer l’activité économique des pôles de gare, limiter l’étalement urbain, réduire la place de l’automobile, améliorer l’accessibilité aux services et emplois.

Tout en étant un modèle théorique, celui-ci a vocation à être adapté à chaque contexte local pour s’insérer dans un tissu urbain déjà existant (en composant avec l’héritage du patrimoine bâti), être généralisé sur une friche urbaine ou autour d’une ligne de transport en extension.

Appliquer le TOD en Île-de-France ?

Le réseau des gares du Grand Paris Express (GPE) porte des enjeux majeurs d’aménagement visant à améliorer le cadre de vie, créer de nouvelles centralités, dessiner un rééquilibrage territorial, permettre une meilleure accessibilité aux emplois, équipements, commerces et services.

Cette dynamique de densification et de polarisation autour des gares s’inscrit pleinement dans le Schéma directeur de la Région Île-de-France – environnemental (SDRIF-E), adopté le 11 septembre 2024, dont les objectifs sont d’encadrer la croissance urbaine, l’utilisation de l’espace et la préservation des zones rurales et naturelles, de déterminer la localisation des grandes infrastructures de transports et des grands équipements, et de favoriser le rayonnement international de la région. Il s’agit notamment de mettre en œuvre un réel polycentrisme qui permettra de rééquilibrer la zone dense et la Grande Couronne, en créant des bassins de vie cohérents et adaptés en termes de logements, d’emplois, de services et d’équipements dans une « région des 20 minutes ».

De quoi s’agit-il concrètement ?

👉 Associer densification et cadre de vie : comme le rappelle l’Institut Paris Région, la densité ne doit pas être perçue négativement : elle peut se traduire par des formes urbaines variées, allant des immeubles mixtes associant commerces, services et logements, aux petits collectifs discontinus ou aux maisons mitoyennes. Face à l’augmentation de la densité humaine dans les quartiers de gare et à l’ampleur des programmes à réaliser, l’Institut Paris Région souligne qu’il est essentiel de structurer des continuités paysagères, de favoriser la mixité des fonctions urbaines à distance piétonne, et de développer des mobilités douces (piétonnes et cyclables) en complément de l’offre de transports en commun.

👉 Réguler la place de l’automobile : le modèle TOD peut dériver vers un TAD (Transit-Adjacent Development) si la voiture conserve une place dominante dans les quartiers de gare, limitant ainsi l’intégration réelle des transports collectifs. L’Institut Paris Region précise que la réussite du modèle TOD repose sur une meilleure répartition des usages de la voirie entre les différents modes de déplacement et sur la réduction de la place de l’automobile (généralisation du stationnement payant autour des gares, réservations des parkings relais aux non-résidents, diminution du stationnement en surface, encouragement de la marche et développement de l’intermodalité avec le bus et le vélo).

👉 Coordonner les acteurs : l’Institut Paris Région souligne également que la mise en œuvre du modèle TOD repose sur la coordination d’une pluralité d’acteurs — Région, collectivités, aménageurs, établissements publics, promoteurs, syndicats de transport, habitants, entreprises, commerçants, associations… dont les contextes sociopolitiques locaux et de gouvernance territoriale jouent un rôle décisif dans la mise en œuvre du modèle. Cette multiplicité rend parfois l’action publique peu lisible et peut freiner l’atteinte des objectifs. Notons la création en 2021 du comité « Vitalisation des quartiers de gare » visant à apporter une meilleure coordination entre les acteurs. 

👉 Faire coopérer les organismes publics avec les promoteurs privés : le principe de co-promotion entre les promoteurs privés et les filiales dédiées des aménageurs constitue l’une des solutions pour créer des réserves foncières importantes et développer des projets d’envergure à usage mixte. Pour autant, le « diffus » — c’est-à-dire les opérations portées par des promoteurs privés sur du foncier privé — doit être accompagné afin de répondre à une demande à court et moyen terme (le cycle de développement étant d’environ 4 à 5 ans, entre la négociation foncière et la livraison).

👉 Vers une nouvelle fiscalité spécifique en quartiers de gare ?  en Île-de-France, le financement des équipements publics (routes, réseaux, écoles, espaces verts…) générés par les nouvelles constructions repose sur des taxes affectées, qui permettent notamment de rembourser les emprunts contractés. L’institut Paris Region s’intéresse à la manière dont ce modèle pourrait être repensé, avec des comparaison à l’international,  afin de mobiliser des leviers plus larges, ciblés sur des périmètres spécifiques, tout en veillant à ce que ces ajustements n’introduisent ni incertitude ni rigidité sur le marché, ni risques d’inflation.

En conclusion, le modèle TOD (Transit Oriented Development) se distingue par développement urbain plus durable, inclusif et résilient : il permet de réduire les dépenses de transport des ménages, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées aux déplacements domicile-travail, tout en favorisant une densité urbaine maîtrisée, une mixité fonctionnelle renforcée et une consommation foncière plus économe.

La loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement vient renforcer cette dynamique, en introduisant des leviers juridiques et administratifs facilitant la mise en œuvre de projets en quartiers de gare, pleinement alignés sur les principes du TOD.

Sources et références :